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Les SCA sont les Sociétés Coopératives d’Approvisionnement du groupement LECLERC. Il y en à 16 en France pour couvrir l’approvisionnement logistique de tous les magasins Leclerc en Métropole mais aussi en Guadeloupe, Martinique et Réunion.
La SCA Normande
La SCA Normande occupe 3 espaces fonciers autour de Lisieux (14) dont le dernier e date héberge le fameux EVA. Fameux car il se voit de loin avec ses 42 mètres de hauteur !
Dans les autres espaces logistiques, nous trouvons une exploitation plus “classique” de la logistique avec des palettiers conventionnels, des prélèvements effectués par des opérateurs à l’aide de chariots autoportés pour constituer des palettes par rayon.
En revanche, dans l’EVA, finit la logistique “classique”, l’entrepôt change totalement de dimension pour devenir une véritable unité de production au service de la logistique. Cet EVA fabrique en effet automatiquement des palettes filmées prêtes à être expédiées.
Pourquoi changer de paradigme logistique ?
Pour vivre avec son temps et bénéficier des moyens d’automatisation disponibles pour apporter un service toujours plus précis et rapide, c’est certain.
Mais aussi pour faire face au manque de main-d’œuvre qui sévit dans ce territoire de France. La concurrence y est rude sur les postes logistiques classiques et automatiser offre une plus grande productivité et un changement de besoin quant aux profils requis.
Mais la mécanisation ne vise pas uniquement l’efficacité ; elle répond également au défi de la pénibilité et de la valorisation des savoir-faire. En effet, l’automatisation de tâches répétitives permet l’amélioration des conditions de travail et contribue aussi à la nécessaire montée en compétences des équipes avec des postes plus qualifiés et aujourd’hui plus rémunérateurs.
Des profils industriels désormais recherchés
Cet EVA ressemble plus à une machine de production qu’à un entrepôt classique. Une palette de marchandise entre d’un côté et ressort de l’autre en palette multi-produits à destination du magasin sans aucune intervention humaine ou presque. Il subsiste quelques tâches manuelles pour des typologies de marchandises ou actions techniques difficiles spécifiques comme le défilmage total ou partiel des palettes par exemple.
Pour faire tourner cette machine, exit les compétences d’opérateurs ou de caristes. Il est désormais question de conducteurs de lignes et d’agents de maintenance ! Avec une telle machine logistique, l’arrêt n’est plus envisageable d’autant qu’il n’y a plus de plan B. Le sourcing des profils attendus évolue donc vers des compétences classiquement réservées à l’industrie et production.
Sur ce site logistique, il est présent un Directeur de Production qui est en charge du fonctionnement de la machine. On se retrouve donc au coeur d’une organisation Supply Chain dotée d’un appareil industriel à maintenir en condition de fonctionnement optimal. Le terme maintenance devient donc central dans l’environnement logistique de la SCA Normande.
Fort de cette performance industrielle, les équipes Supply Chain peuvent travailler le flux et l’optimiser. C’est ainsi que l’EVA, initialement conçu pour traiter l’ensemble des flux de l’épicerie, se voit désormais évoluer vers une logique multi-rayons pour utiliser au maximum les capacités de production de cet outil. Ce qui est réjouissant, c’est de voir que l’indémodable analyse ABC rend toujours de précieux services pour optimiser les flux même les plus automatisés comme ceux de l’EVA.
Un outil de production exigeant
Vous connaissez probablement le connu “shit in shit out” qui s’applique à n’importe quel processus ?
Et bien avec un outil comme l’EVA, il n’y a plus de shit out car le shit in ne rentre pas. Tout est organisé pour que ne rentre dans la machine que ce qui est prévu et tant pis si ça dépasse, ça ne rentrera pas ! Ce dépassement est à prendre au sens propre comme figuré.
L’exigence au sens propre, nous l’illustrerons avec 3 exemples :
- le support palette bois doit être impeccable. Des angles droits, des plots présents et alignés et pas un clou qui dépasse. Le contrôle de gabarit en entrée de machine ne tolère pas d’écart. Il en va de la sécurité du stockage vertical ensuite. Stopper la machine pour redresser une palette dans un emplacement qui en compte 30 000… ce n’est pas envisageable.
La sélection à l’entrée est donc intraitable sur la qualité du support. 32% de rejet à date… une piste d’amélioration à n’en pas douter pour éviter de reprendre toutes ces palettes pour leur remettre un nouveau support. - les marchandises ne doivent pas dépasser du cadre de ce support. Au delà de 5cm, la machine refuse l’entrée dans le système. Cela exclut de fait des produits comme les pâtes ou le petfood en sac qui présentent une forme bombée non compatible avec la structure de la machine.
- le poids maximum autorisé par palette qui est aussi un critère d’inéligibilité à l’automatisation. Et quand une palette fait 1 024kg au lieu de 1 000 autorisés au maximum, c’est frustrant. Une piste d’amélioration est également envisageable pour travailler avec les fournisseurs sur les plans de palettisation.
En partageant les gains en mode win win ?
Au sens plus figuré, nous avons notamment le cas de l’identification des marchandises
- qu’il s’agisse d’une étiquette non conforme, c’est à dire ne respectant pas le format GS1. A date, un réétiquettage est systématisé sur le site de la SCA pour s’affranchir de ce critère de refus.
- ou qu’il s’agisse d’un écart entre la base articles de l’EVA et les conditionnements logistiques mesurées de la marchandise, la machine n’acceptera pas l’entrée des flux dans la tour de stockage verticale. Chaque palette est en effet minutieusement mesurée et pesée pour s’assurer que ce qui rentre dans l’EVA est strictement conforme à l’attendu. Chaque différence écarte la palette du processus d’automatisation pour une reprise manuelle au poste de “teaching”. Ce poste de contrôle qualité permet de confirmer ou invalider les informations pour assurer un parfait alignement entre la data et le physique.
Pour ces deux éléments, il existe aussi probablement de nombreuses pistes d’amélioration win-win entre les fournisseurs et les SCA pour éviter certaines reprises et optimiser encore plus les flux entre ces étroits partenaires.
Une productivité soutenue H24
Les flux sont importants, la demande est quotidienne et le service attendu par les magasins est haut.
L’EVA est justement au service des magasins pour produire une logistique impeccable chaque jour.
Pour cela, les chiffres parlent d’eux-mêmes :
- capacité de 30 000 palettes pour le bâtiment EVA dédié aux palettes
- capacité de 90 000 colis pour la tour dédiée aux colis
- 140 palettes en réception par heure
- une productivité de prélèvement de ~400 colis/heure vs 150 – 180 en prélèvement logistique “classique”
C’est donc une mécanique logistique qui peut travailler H24 sans accuser la moindre fatigue à condition bien sûr que la maintenance garantisse le fonctionnement de l’outil.
La maintenance est d’ailleurs à considérer selon 2 dimensions convergentes.
La première est bien sûr la maintenance de la structure physique de l’outil de production. Une équipe de 11 personnes veille jours et nuits sur son bon fonctionnement.
Il y a également la seconde qui est la couche IT sans laquelle l’outil de pourrait par exploiter les flux. La tour de 42m serait inopérante sans une solide et sécurisée infrastructure. Un tel outil optimisé expose une surface non négligeable au risque de cyber sécurité. Blogistics n’a pas posé la question de la présence ou non d’un SOC pour protéger l’outil logistique mais ce sera fait lors de la prochain visite 🙂
L’avenir est-il dévolu à l’usine logistique ?
Avec cet outil, la SCA Normande illustre la transformation profonde qui est en cours au sein du secteur logistique. Le passage à une logistique industrielle est clairement une réponse aux défis contemporains : manque de main-d’œuvre, digitalisation, exigence de rapidité et responsabilité HSE des entreprises.
L’ère des usines à palettes, où mécanisation et automatisation sont les piliers de la performance logistique est définitivement en marche. Avoir le privilège de visiter une telle structure met d’ailleurs des étoiles plein les yeux.
Mais la logistique “classique” a cependant encore de beaux jours devant elle. Plusieurs raisons à cela :
- il faut une maturité préalable de l’entreprise pour envisager ce changement de paradigme. Un WMS en fonctionnement est un prérequis par exemple
- d’importants volumes sont également pertinents pour mobiliser un tel outil même si ce point n’est pas une condition sine qua non
- une standardisation doit être suffisante pour que la machine puisse modéliser les formes des marchandises et servir l’automatisation comme pour l’EVA
- une solide capacité financière est aussi nécessaire pour accompagner la réalisation et la mise en œuvre opérationnelle de ce genre d’outil
- enfin, une véritable culture industrielle devient essentielle pour aborder ce type d’équipement
De fait, un grand nombre d’entreprises et/ou de flux ne rentrent pas encore dans ces “cases” pour engager une totale bascule. Mais des structures logistiques comme la SCA Normande méritent toutefois d’être présentées et portées à la connaissance du plus grande nombre de professionnels car elles illustrent de toute façon une réalité, une tendance et la garantie d’y trouver un grand nombre de bonnes pratiques applicables à tous types de flux, même non automatisés ou pas encore !
Un grand merci aux équipes de la SCA Normande pour leur accueil et partage de trésor logistique !
Par Pierre