La directive NIS2 concerne bien sûr la Supply Chain
16 janvier 2025Une application pour les gouverner toutes ? Le nouveau pouvoir Supply Chain ?
Dans l’univers de la supply chain et de la logistique, les données sont devenues aussi précieuses que l’Anneau Unique forgé par Sauron dans la saga Le Seigneur des Anneaux.
Tout comme cet anneau mythique, les données brutes possèdent un pouvoir immense bien que ce pouvoir reste inutilisable si elles ne sont pas correctement exploitées.
Lorsque des systèmes disparates, des logiciels spécialisés et des applications diverses doivent collaborer, l’interopérabilité devient essentielle, tout comme le besoin d’agréger les données pour prendre des décisions éclairées sur la base d’information plutôt que de simples données brutes.
Blogistics explore cette métaphore de l’anneau pour éclairer les termes d’agrégation et d’interopérabilité des données et identifier ces 2 définitions comme des “mots clefs” stratégiques dans le pilotage Supply Chain du XXIème siècle.
Les données brutes : une matière prometteuse
À l’image des minerais bruts extraits des mines, les données brutes collectées tout au long des opérations logistiques sont dispersées et souvent inutilisables sans un traitement approprié. Ces données peuvent provenir :
- des systèmes ERP (Enterprise Resource Planning, ou progiciels de gestion intégrée),
- des solutions TMS (Transport Management Systems, ou systèmes de gestion du transport),
- des outils WMS (Warehouse Management Systems, ou systèmes de gestion d’entrepôt),
- ou encore des objets connectés comme les capteurs IoT (Internet of Things, ou Internet des objets).
- et bien entendu de tout type de logiciel et/ou base de données qui composent la galaxie des outils IT de la supply chain (DMS, APS, MES, RTTV, YMS, .)
Cependant, chaque solution a son propre langage, son propre format de données et souvent sa propre base de données. Imaginez un entrepôt logistique dans lequel les données sur les stocks, les commande en cours et les dimensions sont stockées dans des silos différents, sans possibilité de les faire communiquer entre eux… difficile de suivre l’avancement de la journée ou de modéliser le colisage adaptée à la commande ?
Individuellement, ces informations sont de la matière brute uniquement.
L’agrégation des données : la forge de l’anneau
L’agrégation des données est le processus qui consiste à collecter, centraliser et organiser des données provenant de sources multiples afin de les rendre exploitables. Cela implique de transformer des données brutes, parfois éparpillées dans différents systèmes, en informations cohérentes et unifiées.
L’agrégation des données est donc le processus par lequel ces fragments disparates sont réunis dans un système unique, semblable à l’anneau forgé par Sauron.
Cette étape cruciale permet donc de fondre les données brutes dans le creuset analytique de la stratégie de l’entreprise pour en produire des informations exploitables.
1. Regrouper pour mieux comprendre
Une supply chain peut générer des milliers de données chaque jour : commandes, niveaux de stocks, état de la commande, manquants, délai, date de départ, géolocalisation, températures des conteneurs réfrigérés, etc. La liste n’est ici pas exhaustive du tout. Si chaque département travaille avec ses propres données sans communication transversale, le risque d’erreurs ou d’inefficacité augmente. Sans parler de l’attente mutuelle des informations de l’un ou l’autre qui fait exploser le temps de travail et fait chuter la productivité. L’agrégation des données permet de croiser ces différentes informations pour obtenir une vue d’ensemble. Partant du principe que cette vue est bien entendue partagée et mise à disposition des utilisateurs présents sur la supply chain ensuite.
2. Rendre les données exploitables
L’objectif ultime de l’agrégation est de transformer les données en informations utiles. Les tableaux de bord analytiques, les rapports automatisés et les algorithmes de prédiction s’appuient sur cette qualification des données en informations pour offrir des KPI pertinents.
À ce titre, une entreprise logistique utilisant un DMS pour optimiser ses tournées peut, grâce à l’agrégation, combiner ces données avec les prévisions météo et les pics de trafic par exemple. Cela aboutira à une planification optimisée et plus rentable. C’est typiquement ce que les logiciels d’optimisation de tournées proposent comme le fait CARTOWAY à titre d’illustration.
L’interopérabilité : le lien avec les autres anneaux
L’interopérabilité désigne la capacité de différents systèmes, logiciels ou applications à communiquer et à échanger des données entre eux, même s’ils ont été développés indépendamment. Elle repose sur des standards communs (par exemple, des API ou des protocoles comme l’EDI) qui permettent de faire fonctionner ensemble des outils hétérogènes. Mais cela repose aussi parfois sur des interfaces personnalisés (outils ETL) pour permettre l’échange des données entre plusieurs systèmes.
Sauron aurait échoué sans la capacité de l’anneau à contrôler tous les autres anneaux.
Dans notre poursuite de la métaphore, cela équivaut à l’interopérabilité des systèmes informatiques entre eux. Les anneaux ont la capacité d’échanger entre eux pour influencer les comportements de leur porteur. L’interopérabilité permet de disposer des informations issues de l’ensemble de l’écosystème IT pour influencer leurs utilisateurs.
Aujourd’hui, les entreprises font face à un défi de taille qui est l’intégration massive de technologies qui parlent des “langues” différentes.
Et la digitalisation importante du secteur Supply Chain multiplie les opportunités de nouveaux outils mais amplifie aussi considérablement le risque de silo si l’interopérabilité n’est pas bien pensée voir même inconsidérée.
On se retrouve vite avec de bons outils digitaux mais qui ne parlent pas entre eux et ne produisent donc pas l’information attendue. Bien sûr, les solutions cloud, les API (Interfaces de Programmation Applicative), et les standards universels comme les EDI jouent un rôle favorable pour surmonter ces obstacles. Mais cela nécessite des compétences et des budgets qui ne sont pas toujours disponibles ni même identifiés (ce qui est plus ennuyeux encore).
La culture IT des dirigeants logistiques et Supply Chain est de ce point de vue un “must have” de plus en plus saillant pour correctement exploiter les flux.
Prenons l’exemple d’un 3PL. Ce type d’entreprise utilise souvent plusieurs logiciels pour gérer ses clients. Grâce à des interfaces standardisées et à l’agrégation des données, un 3PL peut intégrer les systèmes ERP de ses clients avec son propre WMS, offrant une traçabilité complète et des rapports unifiés.
C’est sur créneau qu’opèrent par exemple des entreprises comme SPACEFILL ou STOCKBOOKING. Ils ont identifié le besoin et œuvrent à forger et interfacer les différentes applications de l’écosystème. Leur solution propose ainsi un guichet unique et parfaitement transversale pour l’ensemble des sources de données, agrégées ou pas encore, composant l’environnement d’exploitation du client.
Une application 360° pour les gouverner toutes !
Les bénéfices stratégiques de l’anneau en Supply Chain
Lorsqu’elle est bien réalisée, l’agrégation et l’interopérabilité des données offrent des avantages comparables au contrôle absolu que Sauron espérait obtenir :
- Visibilité accrue : une vue centralisée des opérations permet de repérer les goulots d’étranglement ou les anomalies avant qu’elles ne deviennent critiques. L’information est saillante et disponible.
- Meilleure prise de décision : avec des données fiables et en temps réel, les décideurs peuvent ajuster leurs stratégies en fonction des conditions du marché. Une nécessité dans un monde 2025 plus VUCA que jamais.
- Efficacité opérationnelle : la réduction des silos de données élimine les doublons et les processus manuels, accélérant les flux de travail. Les temps d’attente s’amenuisent et les rôles sont mieux identifiés.
- Compétitivité : disposer d’informations saillantes avant ses concurrents ou dans un timing suffisamment proche pour manœuvrer au plus juste et pérenniser l’exploitation de son entreprise.
Les risques de l’anneau unique pour les Supply Chain
Dans Le Seigneur des Anneaux, l’Anneau Unique corrompt son porteur. De la même manière, une mauvaise gestion des données centralisées peut poser certains risques plus ou moins fatals :
- Sécurité des données : la centralisation, qui plus interopérable, augmente la probabilité des cyberattaques et les conséquences de celles-ci sur l’ensemble de l’écosystème supply chain et logistique.
- Mauvaise qualité des données : si des données erronées ou obsolètes sont agrégées, les décisions prises sur cette base risquent d’être contre-productives. La maintenance de la data est donc essentielle et présente un réel risque en cas de négligence. Et quand on sait qu’une base de données est rarement nickel… la corruption de l’anneau n’est plus si hypothétique que ça. Pour éviter cela, il est essentiel de mettre en place des mécanismes de vérification de la qualité des données et des protocoles de sécurité robustes quant au personnel concerné par cette proximité à la data.
- Perte d’informations : sans travail d’agrégation et/ou d’interopérabilité les informations ne sont pas cultivés et finissent pas se perdre au fil des départs de collaborateurs et évolution de l’entreprise. Combien de fois une simple question du style “disposez-vous du volume de chacun de vos produits ?”, qui repose sur les données de dimensions, n’est pas disponible, pas correcte… pas exploitable donc. Cette perte d’informations induit une contre-performance structurelle de la Supply Chain.
Apprivoiser le pouvoir de l’agrégation et de l’interopérabilité
Maîtriser le pouvoir de l’agrégation et de l’interopérabilité des données demande une vigilance constante et une maturité Supply Chain évidente. Se lancer dans la forge d’un anneau sans matières appropriés et sans outil est peine perdue. De ce point de vue, le recours à un audit de maturité supply chain est un des 1er outils à utiliser.
Dans la Supply Chain moderne, où les flux d’informations sont plus complexes que jamais, il est tentant et important d’aller vers un “anneau unique” : un système agrégé qui centralise, interopère et optimise l’exploitation des données.
Avec cette capacité, les entreprises peuvent non seulement naviguer dans un environnement toujours plus complexe, mais aussi transformer la multitude de données brutes en un véritable avantage concurrentiel.
Cependant, les étapes préparatoires sont à identifier pour construire l’anneau sur de solides bases :
- maturité digitale
- compréhension 360° et compétences internes
- cartographie IT des flux et des outils
- qualité des données (fiche article en tête)
- évaluation des risques d’un tel recours à l’anneau
Sans cette base préparatoire, votre anneau sera mécaniquement soumis à la méthode BIBO : Bullshit IN – Bullshit OUT. Et cela conduira inévitablement à l’avortement du projet ou inutilisation durable des outils.
Ainsi, l’anneau Supply Chain vous fera très vite subir l’absence de qualité de votre travail alors que bien forgé, sur du solide, il vous permettra au contraire de libérer votre plein potentiel Supply Chain
Pierre