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22 octobre 2024Dans cet article, Blogistics souhaite éclairer les particularités logistiques d’une filière : la logistique hospitalière.
L’objectif est de permettre au lecteur d’avoir une approche globale et quelques clefs de compréhension et notamment de mots clefs propres à cette filière.
Le fonctionnement de la logistique hospitalière est dotée d’une cape d’invisibilité
La logistique hospitalière, souvent invisible aux yeux du grand public, joue pourtant un rôle crucial dans le bon fonctionnement des établissements de santé.
Comme pour n’importe quel secteur d’activité, sa mission principale consiste à garantir que les bons produits et équipements soient disponibles au bon moment, au bon endroit, et en quantité suffisante, tout en respectant les normes sanitaires et de sécurité.
C’est sur ces derniers points que la complexité de l’organisation logistique des établissements de santé s’intensifie. Elle agglomère d’autres corps de métiers issus du monde médical qui interviennent tous en parallèle du fait de leur compétences techniques et réglementaires (Pharmacie, Biomédical, Infirmières, Hygiénistes, Blanchisserie, Restauration…)
Dans un contexte hospitalier en constante évolution, cette fonction essentielle fait face à des défis spécifiques et des particularités uniques.
Les grandes fonctions de la logistique hospitalière
La logistique hospitalière couvre un vaste éventail de tâches. Elle concerne à la fois :
- La gestion des flux de patients, que ce soit via les transports pédestres (Brancardiers) ou les transports sanitaires (Ambulanciers)
- La gestion des stocks de produits médicaux (médicaments, dispositifs médicaux… & consommables associés) sous contrôle technique et réglementaire des pharmaciens au travers d’une entité s’appelant une Pharmacie à Usage Interne (P.U.I. : un incontournable de la filière)
- La gestion des stocks et la maintenance des appareils médicaux (Scanner, pousse-seringues, sonde gastrique… & consommables associés) sous contrôle technique et réglementaire des techniciens du Biomédical
- Le pilotage des stocks de produits non médicaux (produits d’entretien, fournitures bureautiques…)
- Le transport interne et externe des produits et matériels précédemment cités ainsi que ceux des autres intervenants essentiels de la mission de prise en charge des patients comme la stérilisation, les prélèvements biologiques, la blanchisserie, la restauration, les archives, le bionettoyage…
Plusieurs schémas de distribution peuvent co-exister entre établissement de santé, ou bien au sein d’un même établissement de santé et peuvent se caractériser au travers de leur :
- taille (souvent évoqué en termes de nombre de lit d’hospitalisation),
- intégration urbaine ou périphérique,
- maillage sur le territoire départementale ou régionale,
- architecture pavillonnaire (long bâtiment de faible hauteur) ou de leur architecture en bloc (de type immeuble avec de nombreux étages reliés par des ascenseurs, monte-charges et monte malades)
mais aussi ;
- des choix d’investissements
- des typologies de produits
- des équipements logistiques en place (inexistants, conventionnels, automatisés, robotisés…)
Les défis actuels de la logistique hospitalière
Le secteur de la santé fait face à de nombreux défis logistiques, exacerbés par la pandémie de COVID-19 ou par la tension structurelle au sein des établissements de soins.
La gestion des stocks et des pénuries
Le défi le plus critique est la gestion des stocks en temps réel. Les pénuries de certains produits, comme les masques ou les médicaments essentiels (curares pendant le crise Covid), ont souligné l’importance de disposer de systèmes robustes de gestion des approvisionnements. Les hôpitaux doivent trouver un équilibre entre éviter les ruptures de stock, qui peuvent compromettre la qualité des soins, et ne pas surstocker dans les réserves d’étage (appelés « Arsenaux » dans le cas des blocs opératoires), ce qui engendre des coûts supplémentaires et des risques de péremption et de gâchis (matériel et argent public – sujet d’actualité sensible).
La complexité des réglementations
La logistique hospitalière est soumise à des régulations strictes. Les produits médicaux doivent répondre à des normes de sécurité et de traçabilité extrêmement rigoureuses.
Les établissements doivent, par exemple, respecter les règles concernant les températures de stockage des médicaments (+2/+8°C pour les produits à température dirigé et +15 et +25°C pour les température ambiante), le transport des prélèvements biologique (température négative, dirigé et surtout délai très court d’acheminement) ou la gestion des déchets dangereux (appelé DASRI où l’on retrouve entre autres les liquides organiques, les cotons souillés, les fils de ligature, les gants…). Cette conformité est essentielle pour éviter tout risque pour la santé des patients et le personnel.
La sérialisation qui concerne la traçabilité des médicaments ou celle des dispositifs médicaux implique un suivi rigoureux de la traçabilité et une compréhension fine des codes à barres des étiquettes de chaque produit.
L’intégration des nouvelles technologies
La digitalisation de la logistique hospitalière est un enjeu majeur. L’adoption de systèmes de gestion d’entrepôt (WMS) et de solutions d’intelligence artificielle (IA) permet d’automatiser la gestion des stocks et de mieux prévoir les besoins. Cependant, cette transition est complexe et nécessite des investissements significatifs, ainsi que des formations adaptées pour les équipes.
A ce jour la majorité des établissements sont équipes de logiciels de G.E.F. (Gestion Economique et Financière) et non d’ERP. On est donc encore loin du WMS requis pour une logistique maitrisé. Sans parler de la traçabilité fine (et règlementaire) évoqué au point précédent.
L’impact écologique
Enfin, un autre défi grandissant est la réduction de l’empreinte écologique des hôpitaux. La logistique doit repenser les circuits d’approvisionnement pour limiter les déchets, notamment ceux liés aux produits à usage unique, tout en s’assurant de respecter les normes sanitaires strictes. Les déchets infectieux (D.A.S.R.I.) sont un enjeu très stratégique à cause du caractère infectieux du déchet et son coût de traitement (peu d’opérateurs spécialisés interviennent sur le marché).
La logistique est un levier central pour piloter finement et justement les dérives éventuelles de surstockage, gâchis ou pertes de produits ; qui ont, de fait, un impact sur l’environnement.
Rendre du temps de soins aux soignants
Avant la professionnalisation des équipes logistiques de plus en plus courante, les activités de passation de commande, réceptions, rangement, inventaires… étaient effectuées par les équipes soignantes. De fait, ces dernières consacraient moins de temps auprès des patients et à capitaliser sur leur réelle valeur ajoutée (soigner, accompagner).
Heureusement, depuis de nombreuses années, la professionnalisation des équipes logistiques permet au travers notamment d’un système Kanban simplifié (appelé « Double Bacs » ou « plein-vide ») de redonner du temps de soins aux soignants en les allégeant des activités de gestion des réserves des services tout en garantissant une disponibilité optimale sans sur-stock.
Mais n’y aurait-il pas un intérêt à auditer cette filière par des professionnels de la logistique pour faire émerger les gisements d’optimisations logistiques ?
Chaque établissement de santé pourrait se voir attribuer un niveau de maturité sur sa maitrise Supply Chain ? Et témoigner son engagement dans la valorisation des soignants pour les patients et sa participation
Une logistique singulière par son sens donné aux soins
Ce qui distingue la logistique hospitalière d’autres secteurs, c’est avant tout le caractère vital de ses opérations. Une mauvaise gestion logistique peut entraîner des conséquences graves sur la santé des patients. Contrairement à d’autres secteurs, le coût n’est pas toujours le facteur déterminant : la disponibilité des produits critiques prime sur les économies.
La diversité des produits et des flux à gérer est également unique. Les hôpitaux manipulent des centaines de types de produits différents, depuis les médicaments jusqu’aux équipements technologiques complexes, en passant par les consommables quotidiens.
Chaque catégorie de produit impose des contraintes spécifiques, qu’il s’agisse de température de stockage, de traçabilité ou de manipulation sécurisée. De quoi occuper un responsable Supply Chain à plein temps !
En complément de cette immersion dans la filière logistique hospitalière, Blogistics donne la parole à un Nordine BELLA, Responsable Logistique du Centre Hospitalier de Auch et auparavant Leader Supply Chain pendant 17 ans chez Leroy Merlin.
Quels sont les principaux enjeux auxquels votre filière est confrontée en matière de logistique ?
Les principaux enjeux auxquels la filière hospitalière est confrontée en matière logistique peuvent inclure la gestion des stocks de médicaments et de fournitures médicales, la planification des livraisons pour assurer un approvisionnement continu, la gestion des déchets médicaux de manière sûre et respectueuse de l’environnement, ainsi que l’optimisation des processus de distribution pour garantir une réponse rapide aux besoins des patients.
Voici quelques étapes pour aborder ces enjeux :
- Analyse des besoins : Identifiez les besoins spécifiques de l’hôpital en termes de stockage, approvisionnement et distribution de produits médicaux et généraux.
- Mise en place d’un WMS : Mettre en place des systèmes de gestion de stocks efficaces pour suivre les niveaux de stock, éviter les pénuries et réduire les gaspillages.
- Collaboration avec les fournisseurs : Travailler en étroite collaboration avec les fournisseurs pour garantir des livraisons ponctuelles et des conditions d’approvisionnement avantageuses. (Adapter et prévoir lissage des commandes + cahier des charges)
- Formation du personnel : Assurez-vous que le personnel est formé aux bonnes pratiques logistiques pour garantir une manipulation sûre des produits médicaux et une gestion efficace des stocks. (Former des tuteurs pour accompagner les nouveaux talents)
Comment voyez-vous l’évolution de la logistique dans votre secteur dans les années à venir ?
Dans les années à venir, je dois prendre de la hauteur et revoir l’ensemble de mes processus, en utilisant la technologie tout en n’oubliant pas la RSE. Ci-joint mes 3 axes de progrès :
- Automatisation des processus : La première étape consistera en une automatisation accrue des processus logistiques, tels que la gestion des stocks, les commandes et les livraisons. Cela permettra d’améliorer l’efficacité et la précision des opérations.
- Utilisation de la technologie : La deuxième étape impliquera une utilisation plus étendue de la technologie, comme les systèmes de gestion des entrepôts et les outils de suivi en temps réel. Cela permettra une meilleure visibilité sur les flux de marchandises et une prise de décision plus rapide.
- Durabilité et responsabilité sociale : Enfin, la troisième étape sera marquée par un accent croissant sur la durabilité environnementale et la responsabilité sociale. Les hôpitaux chercheront à réduire leur empreinte carbone, à adopter des pratiques respectueuses de l’environnement et à s’engager dans des partenariats responsables avec les fournisseurs.
En combinant ces trois étapes, la logistique hospitalière pourra évoluer vers une approche plus efficace, durable et centrée sur les besoins des patients dans les années à venir.
Quels sont les projets ou innovations logistiques que vous envisagez afin d’améliorer votre chaîne d’approvisionnement ?
Voici ma vision et ma projection :
- Améliorer la chaîne d’approvisionnement du Centre Hospitalier (CHA) en intégrant un WMS, en impliquant les managers hospitaliers, et en développant une culture du changement pour une transformation durable.
- WMS optimisé pour l’hôpital : Centraliser la gestion des stocks (médicaments, consommables) avec un WMS adapté. Les managers des services définissent les besoins spécifiques et ajustent les paramètres. Formation des agents à son utilisation.
- Collaboration logistique et services de soins : Créer des équipes transversales pour ajuster les processus d’approvisionnement selon les besoins réels des services. Réunions régulières pour coordonner les opérations logistiques.
- Suivi des stocks en temps réel (RFID) : Utiliser des technologies pour automatiser et surveiller les stocks en temps réel. Les managers utilisent ces données pour anticiper les réapprovisionnements.
- Tableaux de bord partagés : Développer des indicateurs de performance logistique accessibles aux équipes et managers pour suivre les niveaux de stocks et anticiper les ruptures.
- Formation et accompagnement au changement : Mettre en place des formations régulières avec la DRH sur les nouvelles technologies et pratiques logistiques, avec un soutien managérial pour accompagner les équipes dans cette transition.
Enfin, quelles différences entre le roi du bricolage et les hôpitaux ?
Voici ma vision et ma projection : Améliorer la chaîne d’approvisionnement du Centre Hospitalier (CHA) en intégrant un WMS, en impliquant les managers hospitaliers, et en développant une culture du changement pour une transformation durable.
Chez Leroy Merlin, la logistique était principalement centrée sur l’efficacité commerciale. Optimiser les stocks, réduire les coûts, répondre rapidement à la demande des clients tout en maximisant les ventes étaient la boussole quotidienne des efforts logistiques.
Dans le secteur hospitalier, l’objectif est différent. Il s’agit de garantir la disponibilité immédiate des produits médicaux, souvent vitaux, pour assurer la continuité des soins. Ici la priorité n’est pas la seule rentabilité mais aussi la sécurité des patients. Et ça change le “why”.
Merci Nordine pour cet échange éclairant sur les enjeux logistiques de cette filière hospitalière. Un secteur passionnant, avec du sens à tous les étages, qui donne envie de participer au succès de la logistique hospitalière !
Pour rester dans le thème, lire l’anatomie des logiciels de la Supply Chain
Une co-rédaction David BEAUGRAND & Pierre BOIREL