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Une liaison régulière de transport à la voile pour fret palettisé entre la France et le Royaume-Uni.
L’un des co-fondateurs, Antoine Dragon, nous en présente le fonctionnement ce nouvel article.
L’offre de transport vélique se développe
Bonjour Antoine, les solutions de transports à la voile se multiplient. TOWT lance ses voiliers cargo en août, Grain de Sail propose une liaison Saint-Malo – New York, Vela travaille sur une offre similaire au départ de Bordeaux. D’où vient cet engouement ?
Il y a un besoin de bouger vers un mode de consommation plus durable. Les industriels font des efforts dans ce sens. C’est important parce qu’il y a une volonté d’éthique environnementale qui s’est installée dans les entreprises. Par ailleurs, les contraintes politiques pour la lutte contre le changement climatique s’accentuent et que c’est devenu un critère de choix pour les consommateurs.
Dans le cas du transport à la voile, c’est aussi un levier contre les fluctuations tarifaires liées aux énergies.
Vos confrères privilégient les routes transatlantiques, pourquoi avoir choisi la liaison transmanche ?
Il y a plusieurs raisons à cela. Déjà, on voulait proposer un service de bout en bout à nos clients, c’est relativement plus facile à faire au démarrage entre l’Europe et le Royaume-Uni, que des deux côtés de l’atlantique.
Ensuite, il y a une compatibilité météorologique et géographique à intégrer avec le transport à la voile. Les côtes sont proches, les bassins de production et de consommation aussi. Les vents sont très abondants dans la région, et majoritairement perpendiculaires au trajet des bateaux, l’idéal pour naviguer.
C’est ce qui permet d’avoir un temps de traversée constant.
Il y a aussi une opportunité économique. Les prix du transport conventionnel au kilomètre y sont beaucoup plus élevés que sur les autres axes, et subissent régulièrement des augmentations importantes (plus 20% ces deux dernières années). Aujourd’hui, si l’on considère uniquement le prix, nous ne sommes pas encore compétitifs, mais en augmentant nos capacités et avec la tendance haussière du marché, cela pourra être bientôt le cas.
Enfin on est très soutenu politiquement. Les autorités locales et du département de Seine Maritime, ainsi que tous les services de la région ont bien accueilli le projet à la genèse et s’impliquent dans son démarrage. A noter que le port de Newhaven appartient à la Seine Maritime.
Fort de ce contexte, comment construit on une route logistique ?
La partie la plus visible (et esthétique) ce sont les voiliers. La partie la plus stratégique ce sont les ports.
Les ports sont des espaces restreints où les emplacements bord à quai sont très convoités. Pour être compétitif il nous faut limiter les coûts de cross dock. Pour un cross dock efficace il faut parcourir le moins de distance possible et limiter les coups de fourche. Des deux côtés de la Manche, nous mettons en place des plateformes bord à quai. Newhaven et le Tréport nous ont permis de travailler cette contrainte physique.
Après c’est une chaine, il faut identifier chaque maillon et trouver le moyen de les connecter ensemble. Travailler avec les assureurs pour qu’ils nous suivent, avec les douanes pour faire accréditer les entrepôts pour les déclarations et le transport d’alcool. C’est très technique, heureusement il y a plein de gens compétents dans ces domaines qui prennent le temps de nous guider. Notre rôle est surtout de comprendre le rôle de chacun et faire les démarches pour construire un schéma logistique cohérent.
Mais quand même le transport à la voile a des contraintes qu’on ne retrouvent pas partout ?
C’est vrai, mais le monde de la Supply Chain est plein de contrainte dont tout l’art est d’en trouver les solutions ! Et dans le transport conventionnel il y a en plein aussi des contraintes. A commencer par le coût des énergies fossiles. Autre exemple l’optimisation des réapprovisionnements magasin dans les hypermarchés, les volumes ne sont connus quelques heures avant les livraisons. Pour être efficace et efficient, les services de transports utilisent des outils de prévisions des ventes pour définir un plan de transport qui est ajusté au dernier moment, en ajoutant ou supprimant des camions. On s’en est d’ailleurs inspiré. Les prévisions des ventes ce sont nos prévisions météo.
Une semaine avant la confirmation du plan de transport définitif, les capitaines en service vont nous fournir un planning des rotations en fonction des prévisions météo et des marées. Nous planifierons les traversées, ainsi que les transports pré et post acheminement en fonction. Les voiliers ne sont pas soumis aux mêmes contraintes face aux conditions météo, et on propose des offres adaptées pour des chargeurs qui veulent faire traverser du fret tous les jours et ceux qui sont plus souples sur les dates.
Pour en revenir à l’exemple de la grande distribution, c’est similaire au fait de compléter des commandes de réassort avec un flux de promotion.
Vous parlez de pré et post acheminement. Cela fait partie de vos prestations ?
Oui, on veut gérer ce point pour deux raisons : le service de bout en bout et la mise en place de maillon décarboné. L’accès aux ports et la gestion de la douane ce sont des points qu’il faut savoir synchroniser avec ses transporteurs. Nous ne voulions pas que cela soit un frein pour venir travailler avec nous.
L’autre raison c’est qu’en découpant le transport, et en ayant des flux physiques réguliers dans les deux directions, Orée va avoir des besoins en chargement et en livraison, dans des zones géographiques restreintes. A moins de deux cents kilomètres du Tréport, on trouve Lille, Reims, Paris, Rouen et le Havre.
Deux cents kilomètres aujourd’hui ça se parcours en camion électrique. Et comme les entrepôts de livraison et d’enlèvement ne sont pas les mêmes, il y aura en prime un segment à vide de transport routier national décarboné de disponible. Notre ambition c’est aussi de construire un réseau autour des flux que nous confient nos clients.
Point de vue intéressant effectivement ; justement des clients, vous en avez ?
Quelques-uns, mais pas encore assez. Nos prospects en phase avancée sont des exportateurs ou importateurs de vin et de spiritueux, des fabricants de matériaux de constructions, des importateurs de fruits et légumes, des producteurs de packaging. Il y a aussi des transporteurs qui veulent faire du report modal. Nous venons de rentrer en phase de prospection. Je viens du transport conventionnel, on a commencé par construire nos services et créer notre offre, nous ne voulions pas nous adresser à des professionnels sans connaître au préalable nos coûts et notre calendrier, s’aligner avec les armateurs et solutionner l’ensemble des contraintes logistiques et administratives.
C’est un service solide mais très innovant, et on s’adresse à des industriels. Nous devons être sûr de ce que nous avançons.
Cela reste quand même à démontrer. Aujourd’hui vous n’avez pas de preuve que cela va fonctionner ?
Nous travaillons en mode projet, en se basant sur les bonnes pratiques de l’implémentation de TMS (Transport Management System). C’était mon métier ces 14 dernières années.
Concrètement nous avons fait un premier test grandeur nature l’été dernier, en réceptionnant un voilier cargo en provenance du Mexique au Tréport. Nous avons déchargé, dédouané et distribué son chargement en France et au Royaume-Uni, dont du rhum et du mezcal en suspension de droit d’assise. En septembre 2023 nous avons participé et suivi les tests de navigation de Sailink dans la Manche qui démarre un service de transport similaire à destination des passagers.
Nous ferons un autre test à la fin de l’été 2024 avec un peu de fret pour valider le processus complet. Le go live sera cadencé avec une montée en charge progressive du nombre de rotations par semaine pour avoir le temps d’ajuster ce qui sera nécessaire. Mais nous avons la volonté de proposer un service robuste, clef en main et décarboné bien entendu.
Vous parlez de TMS. Aujourd’hui les chargeurs ont d’autres prestations que le transport en lui-même, la visibilité sur leur flux par exemple. Faire de l’import export en multimodale nécessite un suivi et un partage précis des informations. Comment appréhendez vous ce point ?
S’équiper d’un TMS est un gros investissement pour une petite société qui démarre. Nous avons beaucoup de chance, quand j’ai fait part de mon projet à Generix, mon employeur jusqu’à la fin de l’été, il a proposé de nous sponsoriser avec l’un de ses outils. Nous utiliserons la solution DFR de DDS.
C’est un TMS spécialement conçu pour les transitaires. Il nous permettra d’organiser et suivre précisément chacune des expéditions, de communiquer avec les douanes, de traiter notre facturation, de digitaliser une grande partie des documents et de communiquer à nos clients le bon déroulement des opérations. Il y a même une fonctionnalité pour suivre notre comptabilités matières nécessaire pour nos accréditation IST et d’entrepositaire agréé.
Cela se voit moins que les opérations physiques, mais en termes d’efficacité, de qualité et de sécurité c’est un gain énorme.
C’est clairement un atout de poids en effet. C’est top ! Néanmoins, j’imagine que vos coûts restent peut-être élevés. La cible sera des produits à haute valeur ajoutée ?
Les cales sont conçues pour transporter le chargement de camion complet de palettes de produit sec. Pour un complet vers l’Europe, le coût à la palette est de 115 EUR en incluant le cross dock, la stabilité du prix, l’absence d’émission de CO2 et l’image du transport à la voile.
Le prix n’est pas une barrière pour traiter un flux industriel et nos capacités de transport sont encore limitées par la dimension de nos cales. Commencer à travailler avec Orée aujourd’hui, c’est sécuriser son transport pour demain.
C’est aussi permettre à des entreprises de démarrer ou amplifier leur démarche de décarbonation par l’attribution d’une partie de leurs flux via notre solution de transport à la voile. La neutralité carbone de 2050, c’est demain.
Il me reste une question, vous répondez souvent par « nous », apparemment vous ne travaillez pas seul ?
J’aurais été incapable de porter ce projet seul. Nous sommes cinq à travailler dessus, avec des compétences complémentaires et une grande amitié qui nous lie depuis en moyenne 20 ans.
- Aurélien vient de la communication et encadre les projets professionnels de centaines d’étudiants,
- Caroline était experte en qualité à l’ONUDI puis lobbyiste au réseau action climat et à la fondation pour la nature et l’homme,
- Guillaume coordonne des projets de gestion environnementale pour diverses organisations des Nations unies et a été spécialiste du budget pour l’AIEA, enfin
- Antoine était le chef de service de la sureté / sécurité pour les services hospitalier du Havre et ses alentours.
Et l’équipe va encore s’étoffer !
Propos recueillis par Pierre