
Slot booking ou l’art d’orchestrer les rendez-vous à quai
6 novembre 2025Sur un quai de réception, un tracteur recule au pas, le gyrophare pulse contre la tôle, un cariste attend le signal. Rien d’exceptionnel ? et pourtant c’est là que se concentrent la plupart des accidents graves liés à la co-activité.
Le législateur n’a pas laissé ce moment au hasard : toute opération de chargement ou de déchargement réalisée chez vous par une entreprise extérieure de transport doit être encadrée par un document écrit, le protocole de sécurité. Il ne s’agit pas d’une paperasse de plus : c’est la trame commune qui évite les quiproquos entre l’entreprise d’accueil et le transporteur, en listant les risques par phase et les règles à respecter pour que chacun rentre entier.

Le cadre du protocole de sécurité
Le cadre est précis. Le Code du travail ouvre le chapitre en rappelant que ces opérations—effectuées par une entreprise de transport extérieure, en provenance ou à destination d’un lieu hors de votre enceinte—bénéficient d’un régime spécifique, dérogatoire à certaines obligations du dispositif « entreprises extérieures » classique. Autrement dit, on ne plaque pas un plan de prévention standard sur un quai ; on utilise son équivalent adapté au transport, le protocole de sécurité.
En effet, chaque opération de chargement et/ou déchargement donne lieu à un document écrit appelé protocole de sécurité, qui remplace le plan de prévention pour ces opérations de transport. Ce protocole est « préparé après échange » entre employeurs, avant l’arrivée du camion, et il remplace formellement le plan de prévention pour ces opérations.
Son contenu est connu : informations utiles à l’évaluation des risques et mesures à observer à chaque phase (arrivée, mise à quai, ouverture, manutention, départ), vues côté site (plans d’accès, consignes, matériels, secours, responsable) et côté transporteur (véhicule, marchandises, particularités comme le froid ou l’ADR, documents). C’est ce socle, juridique et opérationnel, qui doit figurer noir sur blanc sur ce document écrit et suivi.
La loi sait aussi rester pragmatique. Si vos flux sont répétitifs—mêmes produits, mêmes emplacements, mêmes modes opératoires, mêmes types de véhicules—un seul protocole peut couvrir la série, tant que rien ne change de manière significative. À défaut, chaque opération atypique retrouve son protocole dédié. C’est du bon sens… et du droit.
Un affichage fortement conseillé (voir obligatoire si le protocole n’est pas connu en amont de la prestation)
Et lorsque le transporteur n’est pas connu à l’avance, ou que l’échange préalable ne permet pas de tout rassembler ? Le texte prévoit la parade : l’entreprise d’accueil « fournit et recueille par tout moyen approprié » les éléments du protocole—affichage à l’entrée, livret chauffeur, QR code au poste de garde, accusé de lecture.
Le but reste le même : pas de manutention sans règles partagées.
Dernier pilier trop souvent oublié : la traçabilité. Un exemplaire daté et signé doit être tenu à disposition, côté site comme côté transporteur, pour le CSE et l’inspection du travail. Dans les faits, cela se traduit par un protocole versionné et archivé (papier ou numérique), associé à la convocation au créneau si vous faites du slot booking.
Une méthodologie simple
Comment s’y prendre, concrètement, sans transformer l’exercice en casse-tête administratif ? Commencez par déambuler sur votre site comme un journaliste fait une enquête : plan de circulation en main, observez les arrivées réelles, les attentes sauvages, les points d’aveuglement, l’éclairage au quai 5, le hayon qui louvoie, le gilet qu’on oublie…
À partir de ces scènes, écrivez votre déroulé en cinq temps :
- arrivée et enregistrement (qui dit quoi, où, en quelles langues) ;
- mise à quai et immobilisation (frein, cales ou verrou de roue, feux asservis) ;
- ouverture et préparation (personnes autorisées, outils, périmètre) ;
- manutention (qui charge, quels engins, quelles vitesses, quels EPI, quelles limites) ;
- contrôle et départ (arrimage, scellés, retrait des cales uniquement après feu vert).
Pour chaque temps, deux colonnes : « risques observés » et « mesures imposées ».
Ensuite, remplissez les deux voix du document.
Côté site : plans et schémas, accès, zones piétons, équipements disponibles, dispositifs d’urgence, nom du responsable.
Côté transporteur : type de véhicule, spécificités (bâches, hayon), nature/conditionnement des marchandises, contraintes température ou matières dangereuses, documents attendus.
Faites relire aux principaux transporteurs réguliers ; signez, datez, publiez aux points de passage (poste de garde, quais) et joignez un lien/QR à vos convocations RDV. Là encore, la réglementation recommande l’échange en amont ; l’INRS détaille les bonnes pratiques si vous hésitez sur le niveau de détail utile.
Un document qui évolue
La vie du protocole n’est pas figée. Au moindre changement significatif—nouveau flux, nouveau matériel de quai, réaménagement du parking poids lourds, apparition de produits à risques—il faut réviser.
À défaut, mettez-vous une discipline : une revue annuelle avec les équipes de quai et un retour d’expérience sur les incidents et « presqu’accidents ». C’est cette boucle courte, terrain → papier → terrain, qui fait d’un protocole un outil vivant plutôt qu’un PDF oublié dans un serveur. La revue annuelle du DUERP peut-être également l’occasion de réviser ce document essentiel à l’exploitation logistique en conformité.
L’équipe BLOGISTICS vous met à disposition une trame de protocole sécurité ici




