Quelle stratégie de production adopter ? Episode 1/4
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12 décembre 2024Dans cette série de 4 articles, BLOGISTICS donne la parole à Sandrine LETULLIER, prévisionniste de métier.
Sandrine travaille la question des prévisions au travers de son expérience, des questions qu’elle se pose régulièrement pour rester dans le rythme et des méthodes qu’elle emploie pour produire des valeurs de qualité. Il ne sera pas question d’innovation à tout crin sur le sujet de la prévision. Cet axe a fait ou fera l’objet d’autres articles.
Cette série d’article traitera plutôt du cheminement qu’il faut emprunter pour exploiter le graal de la supply chain : la prévision de la demande pour maitriser le stock. Poursuivons donc avec le second article qui explore la question de la production du bon stock.
Avoir une stratégie de production SUR STOCK … cela permet il de produire LE BON stock ?
Comme vu dans notre dernier article « quelle stratégie de production adopter », il est impératif d’avoir du stock pour répondre rapidement à la demande client & ne pas perdre de part de marché. Cependant, notre objectif est toujours d’avoir ni trop ni pas assez de stock. Détenir du stock signifie donc :
- Avoir le bon produit demandé par le client
- Au bon moment : peu de stock en été sur des produits d’hiver & vice-versa
- En quantité suffisante:
- Ne pas être en rupture afin de répondre à la demande client,
- Ne pas porter trop de stock qui coute en stockage et dont la péremption ou l’obsolescence peut vite devenir un frein à vente.
Alors, pour cela il faut : PREVOIR
Prévoir les ventes pour anticiper les besoins
Un des socles de base est la connaissance et l’analyse de sa couverture de stock.
La couverture de stock est la période de ventes estimées couverte par le stock détenu à un instant T par l’entreprise. Selon l’évolution des ventes réelles un même stock pourra voir sa couverture chuter ou bien stagner voir augmenter. C’est un indicateur central du pilotage supply chain et parfaitement théorisé dans les concepts DDMRP.
Analyser sa couverture de stock
- Devons nous reproduire ou acheter maintenant, dans plusieurs semaines, plusieurs mois…. ?
A noter que cette analyse permet aussi d’anticiper la production, les achats et les approvisionnements de composants, de matière, de contenants… Dans un univers de production, le produit fini n’est que la partie émergée de la supply chain. Les nomenclatures liées aux produits finis doivent elles aussi faire l’objet de commandes de réapprovisionnement pour éviter les ruptures et/ou surstocks.
- D’aucuns diront «Produisons et achetons comme l’année dernière ça ne bouge pas».
- D’autres vous diront «Depuis 3 mois, nous expédions 5 000 unités en moyenne, donc c’est simple nous avons encore 4 mois de stock».
Mais je vous confirme qu’au travers de mon expérience, une année ne fait pas l’autre et un produit saisonnier (exemple des produits solaires ou des produits d’hygiène nasale) ne peut pas avoir les mêmes ventes entre Janvier et Mars ou entre Mai et Juillet. Et quand on sait (malheureusement) que le dérèglement climatique impacte fortement la dimension saisonnière, le “modèle de l’année référente” pour baser sa production est résolument dépassé.
A noter, que la prévision ne sert pas que les exigences Supply Chain de la production4.0.
Les analyses produites sont aussi de plus en plus scrutées pour servir des enjeux stratégiques du type :
- Le calcul de marge projectif sur la base d’un chiffre d’affaire annuel modélisé qui peut faciliter le travail budgétaire de la finance
- L’évolution des gammes et utilisation des machines pour anticiper les investissements (une machine vieillissante mais ultra sollicitée par un nouveau produit mènera logiquement vers une réflexion de remplacement et/ou pilotage de la maintenance)
Alors c’est dit, prévoyons les ventes pour optimiser les stocks, limiter les ruptures et produire de façon raisonnée ?
Facile à dire. Plus technique à bien réaliser. Pour cela, il faut s’équiper de certains basiques solides.
#1 Des données de qualité
C’est le socle de base. Des données fiables, exploitables et faciles à extraire, afin de pouvoir les analyser et se poser les bonnes questions. Il est essentiel de pouvoir les exploiter de façon simple : graphiques, tableaux, mise en couleur… pour identifier les « Creux » et les « Pics » de ventes qui peuvent marquer :
- La saisonnalité du produit : très peu de ventes en hiver sur un produit estival par exemple
- Des événements qui impactent la lecture rationnelle des ventes
Un creux peut correspondre à une baisse des ventes :
Dites « normales » car le produit ne correspond plus au besoin des clients,
ou « anormales » : un concurrent a proposé une promotion, une rupture de stock chez nous et nous n’avons pas pu livrer ?…
Un pic peut correspondre à une augmentation des ventes :
Dites « normales » car le produit est reconnu et les ventes sont à la hausse,
ou « anormales » : un concurrent est en rupture alors que nous avons du stock et pouvons répondre à sa place, une offre commerciale mise en place, une publicité… qui booste les ventes.
Parmi ces données de qualité sur lesquelles travailler, il est important de souligner l’enjeu de la fiche article.
Car le but est de prévoir les ventes sur les produits finis (c’est-à-dire les produits assemblés). C’est l’outil MRP qui calculera, en fonction de la nomenclature produit, ce qu’il faut acheter pour produire. (Nombre de notices, d’étiquettes… et le poids de chaque vrac- voire chaque matière). Inutile de préciser l’inefficacité de la Supply Chain si ces données ne sont pas impeccables.
#2 De la communication
Beaucoup de communication !
- Avec le marketing et/ou chef projet pour connaitre le cycle de vie des produits :
- Les évolutions de la gamme : Si l’on souhaite arrêter un produit par exemple, est ce que les ventes vont se faire sur un autre produit
- Le référencement: si un nouveau produit intègre la gamme, il y aura certainement une cannibalisation des ventes par exemple
- Les changements de format, packaging… : Une harmonisation des couleurs de la gamme peut avoir un impact sur les futures ventes
- Avec le commerce pour connaitre :
- Le marché/ les besoins du consommateur : si les ventes baissent ou augmentent sur 1 type de produit (tout industriel confondus), il est intéressant de le savoir car les ventes en BtoB vont suivre.
- Les offres commerciales : si le commerce décide de mettre en place une offre sur un produit précis alors il sortira plus que sans offre (ou remise).
- les mises en avant: Si je vous dis « têtes de gondoles », ça vous parle ? Le commerce peut décider de donner plus de visibilité à des produits pendant quelques semaines et cela aura un impact en sell-out donc aussi en sell-in car votre client va prévoir un réapprovisionnement;
#3 De la curiosité
C’est le liant de ce triptyque.. Sans curiosité intellectuelle et une propension naturelle ou apprise à éprouver le “pourquoi” au moins 50 fois par jour… le métier manquera d’intérêt à la longue.
Faut-il prévoir les ventes à venir sur un timing quotidien, hebdomadaire, mensuel ? C’est un ‘pourquoi’ structurel mais essentiel à identifier.
Par exemple, un industriel qui travaille dans de l’ultra frais (salade, denrée alimentaire à courte durée) voudra être sur une maille hebdomadaire voire quotidienne.
Mais un industriel qui sera sur des produits à péremption longue ou sans péremption pourra se permettre d’être sur des prévisions de ventes mensuelles.
Ce travail s’intègre dans un cycle de prévision qui sera l’objet du prochain article
Sandrine