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31 mai 2024Le débarquement et la bataille (logistique) de Normandie
Il y’a 80 ans les Alliés s’apprêtaient à lancer Overlord, la plus grande opération amphibie de l’Histoire. 156 000 hommes, 7 000 bateaux, 12 000 avions sont prévus pour une bataille qui changera de manière décisive le cours de la guerre qui dure depuis déjà 5 ans. Plusieurs fois reportée à cause de la mauvaise météo, le débarquement des troupes américaines, britanniques, canadiennes, françaises appuyées par 7 autres nations aura lieu le 6 juin 1944. Le D-day comme il fut immortalisé dans l’histoire, fut un succès retentissant qui surpris même les généraux alliés.
A l’exception de la sanglante et célèbre Omaha Beach, immortalisée dans le film « Il faut sauver le soldat Ryan » de Steven Spielberg, les pertes sur les plages furent bien en deçà de ce qui avait été prévu.
Une progression difficile
La progression dans les terres fut cependant plus lente et il fallut près de 100 jours aux troupes alliées pour percer les défenses allemandes. Le 25 aout, quelques jours après les derniers combats en Normandie, Paris tombait, libéré par les français de la 2ème DB de Leclerc. La résistance allemande en France était brisée et à peine deux semaine plus tard, les alliés atteignaient la Belgique et les Pays-Bas.
Bien que la victoire fût couteuse avec près de 600 000 pertes dans les deux camps, elle n’en fut pas moins exceptionnelle car il s’agissait d’affronter et de vaincre un ennemi retranché dans des positions fortifiées préparées depuis des années, le mur de l’Atlantique et ce, il faut le rappeler avec un obstacle de taille à traverser, la Manche et ses 100 km d’eaux contestées !
Un problème de logistique
Si dans l’imaginaire populaire on attribue souvent la victoire des alliés à un ensemble d’actions d’éclats comme la prise du Pegasus Bridge, la pointe du hoc, la bataille de Carentan et à l’écrasante supériorité aérienne des alliés. Il n’en est rien ou du moins c’est un peu plus complexe.
En effet, sans rien enlever à l’extraordinaire héroïsme dont ont fait preuve les hommes et les femmes qui ont participé à l’Opération Overlord, sa réussite est avant tout logistique. Mais avant d’aller plus loin rappelons ce qu’est la logistique…
Pour faire simple, la logistique, c’est l’art d’acheminer au bon endroit au bon moment la bonne chose en quantité nécessaire.
Pour ce qui est des armées alliées en Normandie, c’est beaucoup de choses différentes et dans des quantités astronomiques qu’il faut acheminer chaque jour, sur une zone d’opération de plus de 80 km de large, à travers des centaines de kilomètres, d’une mer soumise aux caprices de la météo et de la menace allemande.
Pour réaliser l’ampleur du défi logistique, nous devons nous plonger dans les chiffres !
Selon les rapports des différents états-majors et le travail des historiens, une division alliée avait besoin en moyenne de 700 tonnes de ravitaillement par jour. Cela comprenait l’essence, les munitions, les pièces de rechange et le nécessaire de subsistance des soldats.
À l’apogée de la bataille de Normandie ce ne sont pas moins de 39 divisions, soit 1 million d’hommes que les alliés se doivent de ravitailler. Ce qui donne environ 27 000 tonnes à acheminer par train, par bateau, par camion, par avion et même parfois… à cheval. Mais en quoi ces chiffres sont important ?
Dans une guerre moderne, il est devenu impossible de combattre sans munitions et donc sans logistique.
Pour vous donner un exemple plus concret, le soldat de base américain était équipé du fusil semi-automatique M1 Garand. Il était doté en théorie de 88 cartouches par jour, ce qui semble de prime abord beaucoup. Néanmoins, si l’on place cela en perspective de la cadence de tir de l’arme de 40 à 50 coups minutes, un soldat ne tient même pas deux minutes en combat de haute intensité…
Ici se pose donc la question du stock de sécurité, ou quelle quantité avoir en réserve pour tenir le temps d’être ravitaillé.
(c) National-library-of-scotland
Ainsi, pour rester effectifs, les soldats de toutes les armées du second conflit mondial se devaient d’être ravitaillés régulièrement et continuellement avec le bon matériel où qu’ils soient. Contrairement à leurs “grandes-sœurs” des siècles précédents les armées ne peuvent plus se permettre de vivre sur le pays conquis. Toute rupture avec « l’arrière » et sa logistique devient un danger mortel. Le problème est que sur la zone de débarquement, il n’y pas de port en eau profonde, donc aucune capacité pour décharger efficacement les lourd navires « liberty ship » convoyant le matériel.
Pas de port en eau profonde, un exploit des alliés !
Cette absence de port en eau profonde, principale raison qui a poussé les stratèges allemands à dégarnir les plages de Normandie, fut le problème dont la résolution apporta l’élément de surprise décisif aux alliés.
Puisqu’il n’y a pas de port en Normandie nous allons en emmener un avec nous
Voilà à peu près ce qu’on dû se dire les ingénieurs des ports Mulberry.
Ces deux ports se composaient d’un assemblage d’éléments préfabriqués amenés séparément au large des plages sécurisées par les troupes. Assemblés et opérationnels dès le lendemain du D-Day, les ports Mulberry permirent d’acheminer 7 000 tonnes de ravitaillement par jour jusqu’à la fin de la guerre.
(c) Conseil Régional de Basse-Normandie
Malgré la destruction d’un des deux ports dès le 10 juin par une tempête, ces structures permirent l’établissement d’une ligne logistique directe et ininterrompue entre la production des puissantes usines américaines et le front. Cela a été permis par la maîtrise sans partage des alliées sur la mer et dans les airs. Le port de Cherbourg, libéré dès le 26 juin et remis en état le 15 juillet, soit 1 mois en retard sur le planning initialement prévu, complètera le dispositif logistique.
La performance logistique
En somme, les ports artificiels et donc la performance logistique des alliés auront permis d’apporter deux éléments essentiels au succès d’une opération militaire, la surprise et la capacité de durer dans le temps. La surprise, puisque les troupes alliées purent attaquer dans une zone moins défendue et surprendre les stratèges Allemand qui ne pensaient pas qu’une offensive de grande envergure puisse être possible dans cette région à cause de l’absence de port.
Cette surprise, avec le concours des actions de résistance, retarda suffisamment les renforts germaniques pour permettre à la tête de pont des alliés de s’installer. Néanmoins, à la guerre comme en affaires il faut savoir capitaliser sur ses succès. Le flux logistique constant assuré par la mise en service des ports artificiels, de l’acheminement des denrées et des hommes permis aux alliés de tirer plus de munitions, d’engager plus de soldats ainsi que remplacer aisément les différentes pertes subies lors de la campagne.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes, de 150 000 soldats engagés le 6 juin, les alliés passent à plus de 2 millions le 21 août 1944. Les allemands avec une logistique bien plus fragile n’alignent durant toute la bataille de Normandie que 380 000 soldats.
Un approvisionnement continu
Ainsi, en plus de la valeur des combattants, c’est le poids de la logistique alliée qui fait craquer les défenses allemandes, ils ne peuvent tout simplement pas lutter contre le flot ininterrompu d’hommes et de matériel. La bataille de Normandie est bien une victoire de la logistique et cette citation anonyme l’illustre parfaitement :
N’importe quel idiot peut lever une armée, jusqu’à l’heure du diner
Au delà des enseignements logistiques de cet épisode historique, il est essentiel de ne pas oublier et d’honorer le souvenir de ces jeunes hommes qui ont, il y’a 80 ans, donné leur vie pour notre liberté sur les plages de Normandie.
Par Maxime RAILLOT
Sources :
- https://www.fpri.org/article/2012/05/the-great-battle-for-normandy-1944/
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Bataille_de_Normandie
- Cherbourg et son port pendant la Seconde Guerre mondiale : un site stratégique : https://books.openedition.org/pur/90666?lang=fr
- https://www.reseau-canope.fr/d-day/en/education/gallery/dday_ressource/show/Ressource/logistiqueet-techniques-pour-le-d-day.html
- https://www.britannica.com/topic/Mulberry-artificial-harbours-World-War-II