
Les espaces logistiques se nomment différemment selon leur contexte
18 septembre 2025Quand les caravanes faisaient circuler la soie
Il y a plus de deux millénaires, bien avant les porte-conteneurs et les trains-blocs, existait un réseau de pistes et de relais connu sous le nom de Route de la soie. De Xi’an en Chine jusqu’aux rivages méditerranéens, ces itinéraires servaient au transport de soie, d’épices, de pierres précieuses, mais aussi d’idées, de religions et de savoir-faire. Plus qu’une simple voie commerciale, c’était un véritable système de circulation culturelle et économique. Avec le développement des grandes routes maritimes au XVe siècle, son rôle déclina, mais son image reste aujourd’hui synonyme de connexions entre continents.
La renaissance contemporaine : la Belt and Road Initiative
En 2013, Pékin relance le concept avec la Belt and Road Initiative (BRI), appelée aussi « Nouvelle route de la soie ». L’ambition est immense : relier la Chine au reste du monde à travers des corridors ferroviaires, routiers, maritimes et numériques.
En 2025, près de 150 pays ont signé des accords avec la Chine. Les montants investis atteignent des records : plus de 120 milliards de dollars sur le premier semestre 2025, entre contrats de construction et investissements directs.
Parmi les projets les plus visibles, le China-Europe Railway Express, qui relie la Chine à l’Europe, connaît un fort développement. Plus de 10 % de croissance en 2024, et une valeur commerciale de plus de 25 milliards de dollars. La grande majorité de ces trains passent par un point névralgique : le corridor Pologne–Biélorussie.
Septembre 2025 : la fermeture d’un passage clé !
C’est là que l’actualité prend le pas sur la théorie.
En septembre 2025, la Pologne décide de fermer plusieurs postes-frontières avec la Biélorussie, y compris les principaux passages ferroviaires de fret. En toile de fond : tensions militaires, exercices russo-biélorusses, et incidents sécuritaires.
Cette décision a des conséquences immédiates :
- Les trains Chine–Europe sont stoppés ou doivent être redirigés.
- Les délais s’allongent, les chargeurs doivent trouver des itinéraires alternatifs.
Le fameux « Middle Corridor » via le Kazakhstan, la mer Caspienne, l’Azerbaïdjan, la Géorgie et la Turquie redevient une option. Mais cette voie est plus longue, fragmentée et moins capacitaire.
En clair : la fermeture du corridor polono-biélorusse fragilise l’un des piliers du commerce eurasiatique actuel.
Quand la mer n’est pas plus sûre…
Si le rail est sous pression, la mer ne fait pas mieux.
Depuis fin 2023, la mer Rouge est secouée par les attaques houthies. Résultat : des primes d’assurance qui explosent, des navires contraints de contourner l’Afrique par le cap de Bonne-Espérance, et des coûts qui s’accumulent.
En 2025, malgré des efforts militaires internationaux pour sécuriser la zone, l’incertitude reste forte. Là encore, les chaînes logistiques mondiales doivent composer avec une instabilité structurelle.
Que faire côté entreprises ?
Pour les acteurs européens de la supply chain, ces événements ne sont pas seulement diplomatiques, ils sont très concrets : délais, coûts, planification, assurances. Trois grandes pistes se dessinent :
- Diversifier les routes : ne pas dépendre d’un seul passage. Miser sur des corridors redondants, même s’ils sont imparfaits, permet d’éviter l’arrêt complet d’une chaîne.
- Intégrer le coût du risque : inclure primes de guerre, surcoûts de transit ou ruptures de charge dans les calculs de coût total.
- Assouplir les contrats : prévoir des clauses permettant de changer d’itinéraire ou de transporteur rapidement, plutôt que de rester bloqué sur une seule option.
Une leçon plus large
La Nouvelle route de la soie reste un projet titanesque et attractif, mais elle se heurte aujourd’hui à un constat : le commerce mondial ne se joue pas seulement sur les infrastructures, mais aussi sur la stabilité politique et sécuritaire des corridors.
La fermeture de la frontière polono-biélorusse en 2025 pourrait marquer un tournant. Elle rappelle aux logisticiens et aux chargeurs que la performance d’une route dépend autant des rails et des ports… que des décisions prises dans les pays souverains.
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